Décider ensemble

La fabrique de l’obligation collective

Philippe Urfalino
Les Livres du Nouveau Monde, Le Seuil, 2021

Notre démocratie auto-proclamée est malade.
Elle s’est bloquée sur ce mot de Churchill selon lequel elle est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres.
C’est pourquoi il est important de reprendre à nouveaux frais une réflexion sur les processus de décision collective, sur ce qui fonde une société à partir d’une collection d’individus.

On confond aisément trois types de situations : partage équitable, négociation et décision collective.

Il en résulte que la décision est souvent assimilée à un choix collectif ou à une agrégation des préférences. L’auteur considère au contraire que la décision collective est plus qu’un mécanisme de coordination entre une pluralité d’acteurs. Elle est aussi une manière de produire une obligation collective, et donc de produire et d’entretenir une entité autonome qui est le véritable auteur de la décision. Il est essentiel que les minorités aussi s’y reconnaissent.

Pour cela, il importe d’organiser la délibération qui forme les opinions et produit la solution sur laquelle on s’accorde. C’est en cela que la décision n’est pas un choix entre des options pré-déterminées, et qui seraient offertes.

Philippe Urfalino détaille la règle de « non-opposition », habituellement dénomée « décision par consensus ». Au cours d’une réunion où l’on discute d’une affaire exigeant une décision, un participant avance une proposition ; si personne ne la conteste, cette proposition est estimée acceptée et se voit conférer le statut de décision.

Cette règle est-elle démocratique ? Une règle de majorité sans pluralisme et sans protection pour la minorité n’a rien de démocratique ; et il est possible de faire un usage très inégalitaire et manipulatoire de la règle de non-opposition.

Notre appréciation du caractère égalitaire d’une règle dépend de l’importance relative que nous attachons, d’un coté à l’égalité dans la participation à la délibération collective et, de l’autre, à l’égalité du poids de chacun (statut social ou expertise) dans la formation du résultat final.

J’ai apprécié la présentation du problème du « mal élu », sur un choix de pizzas entre sept participants dont les préférences se présentent comme suit :

Nombre de personnes 1er choix 2e choix 3e choix
3 Salami Saucisse Anchois
2 Saucisse Salami Anchois
2 Anchois Saucisse Salami

Le salami est le choix majoritaire, bien que 4 mangeurs sur 7 lui préfèrent la saucisse.

Ce livre était cité par Thierry Pech dans Le parlement des citoyens, sur l’organisation de la convention citoyenne pour le climat, que je recommanderai par ailleurs.